Le vendredi 13 septembre dernier se tenait la toute première soirée philanthropique du Cercle du Musée d’art de Rouyn-Noranda. Le Cercle réunit un groupe de mécènes et d’amoureux de l’art qui, en échange d’un don annuel, participent à une soirée de délibération en vue de l’acquisition d’une nouvelle œuvre pour la collection du MA.  La soirée du Cercle a permis de recueillir 11 500 $. 

À cette occasion, l’équipe du Musée d’art de Rouyn-Noranda a imaginé une soirée philanthropique mariant vin et appréciation esthétique, le tout dans une ambiance décontractée et chaleureuse. Trois œuvres étaient en lice.

Ed Pien, Fishy fish [Poissons étranges] 05, 2017.
Collaboration de l’eau de Dawson City et encre sur 2 papiers sans acide, 10 3/4 x 16 3/4.

La première œuvre, Fishy fish [Poissons étranges], est signée Ed Pien.

Dans une présentation vidéo, le galériste montréalais Pierre-François Ouellette a souligné qu’elle a été réalisée en 2017 lors d’une résidence dans une communauté autochtone de Dawson City, au Yukon. Ed Pien, artiste canadien renommé, a créé son œuvre en collaboration avec l’eau non potable de la rivière locale.

Sensible et troublante, l’œuvre donne à voir des poissons esquissés avec hésitation à partir des tracés formés par l’eau sur du papier. L’artiste s’est inspiré de la réalité des jeunes de la communauté, qui n’ont connu que l’eau en bouteille.

La seconde œuvre soumise à l’attention des membres du Cercle est une photographie de l’artiste cubain Jorge Otero.

Intitulée Posture, elle est tirée de la série War hero. L’œuvre présente un homme nu, de dos, coiffé d’un chapeau et se tenant droit sur sa tête.

Le commissaire cubain Reynier Guerra Capote a rappelé que cette œuvre est inspirée de la légende voulant que le terme Guajiro, qui désigne le paysan cubain, tirerait son origine de l’expression War hero, qui date de la guerre de la révolution.

Travaillant à démonter le stéréotype de l’homme héroïque, Otero confronte la société cubaine à ses accents machistes.

Jorge Otero, Postura [Posture], Série War hero, 2017, photographie, impression digitale, 90 x 132 cm.
 Dubréus Lhérisson, Ogou Saint-Jacques, 2005, paillettes, poupée, miroirs, diamants d’acrylique, toile, tissus, 25 x 19 po.

La troisième œuvre présentée est celle de l’artiste haïtien Debréus Lhérisson intitulée Ogou Saint-Jacques.

Le commissaire Giscard Bouchotte, installé à Port-au-Prince, a rappelé dans une courte vidéo que l’œuvre est représentative de l’art haïtien en ce qu’elle associe des paillettes, de faux diamants et une poupée pour créer une œuvre puissante.

L’artiste a d’abord employé cette technique pour créer les « drapos » utilisés dans les processions vaudous. Son travail a ensuite évolué vers l’intégration de volumes dont tout une série de crânes humains magnifiquement ornés.

Le temps du vote arrivé, les convives se sont alors engagés dans un débat impromptu à propos de l’œuvre à sélectionner.  

Les arguments favorables à Posture ont mis en avant la facture classique et peaufinée de l’œuvre, ainsi que l’aspect subversif de la nudité. L’œuvre d’Ed Pien a interpellé plusieurs membres du Cercle en raison du puissant rappel des conditions de vie des communautés autochtones au Canada, trop souvent oubliées. Il a également été souligné que le saint Jacques coiffé d’un chapeau napoléonien était peut-être aussi une évocation de Toussaint Louverture, le père de l’indépendance haïtienne.

Cette passionnante discussion a notamment permis de réaffirmer la place capitale de l’art des Amériques dans la collection du MA. Les membres du Cercle ont finalement arrêté leur choix sur l’œuvre Posture de l’artiste cubain Jorge Otero. Par conséquent, cette œuvre intégrera la collection du Musée d’art de Rouyn-Noranda.