Rose-Aimée Bélanger | Du grès au bronze : 40 ans de sculpture

Date

28 Oct 2022 - 15 Jan 2023

Rose-Aimée Bélanger, Rêveuse, 1999, bronze

INAUGURATION : VENDREDI 28 OCTOBRE 2022, 17 h

Commissaires
Natalia Zuazua Melón
Jean-Jacques Lachapelle

 

Rose-Aimée Bélanger, Les chuchoteuses, 2002, bronze

Intégrer les œuvres de Rose-Aimée Bélanger dans la collection du MA, lui consacrer la plus grande exposition rétrospective à ce jour et concevoir une publication témoignant de cet événement sont autant de gestes participant de la reconnaissance de la pratique artistique qui s’est développée dans le nord-ouest du Québec en étroite relation avec le nord-est de l’Ontario.

Née en 1923 dans le Témiscamingue québécois, à Guérin, Rose-Aimée Morin a bâti son œuvre à Earlton, dans le Témiscamingue ontarien. La trajectoire de Rose-Aimée Bélanger est emblématique à bien des égards des conditions de vie dans les nouveaux territoires d’habitation des Canadiens-français, notamment dans les deux Témiscamingues, ces territoires nommés en référence au lac dont le nom anicinabe signifie « eaux profondes ». 

Habitée depuis plus de 8 000 ans, la région de la grande nation anishinaabe couvre le territoire des Grands Lacs et celui de la rivière des Outaouais. Avec l’implantation des populations françaises et anglaises, elle devient un vaste territoire d’exploitation des fourrures. L’industrie navale requiert de grands pins, elle s’approvisionne d’abord dans la vallée du Saint-Laurent puis remonte jusqu’à l’Outaouais moyen, qui correspond aux Témiscamingues.

Ce sont ensuite de nouveaux territoires d’économie mixte alliant l’exploitation forestière et l’agriculture de subsistance à partir de 1880. Lorsque naît Rose-Aimée Morin, en 1923, le village de Guérin vient à peine d’être fondé. Sa mère Charlotte Chevigny-De-La-Chevrotière et son père Joseph Morin sont marchands de grains.

À peu près au même moment, la découverte de la riche faille de Cadillac, qui traverse le nord de l’Ontario et l’Abitibi, suscite des mouvements de population importants. Des boomtowns naissent dans le nord des deux provinces. Une véritable ruée vers l’or entraîne une importante immigration en provenance d’Europe de l’Est.

C’est à Notre-Dame-du-Nord, à la tête du lac Témiscamingue, que Rose-Aimée Morin fera ses études primaires, à deux jets de pierre de la frontière de l’Ontario. Aussi Rose-Aimée complète ses études secondaires à l’Académie Sainte-Marie d’Haleybury.

Elle s’inscrit ensuite à l’École des Beaux-Arts de Montréal, mais, quatre mois plus tard, elle choisit de suivre son amoureux, Laurent Bélanger, à Halifax, où il est mobilisé à titre de réserviste. La Seconde Guerre mondiale fait rage, mais elle prend fin l’année suivante. Le couple choisit de revenir s’installer à Timmins, ville natale de Laurent Bélanger.

Ensemble, ils s’affairent à dénicher toutes sortes d’emploi, jusqu’à devenir hôteliers – destin que Rose-Aimée Bélanger, lors d’entrevues ultérieures, avouera ne souhaiter à personne. Neuf enfants naissent de cette union. 

Dans les années 1970, le fils aîné, Pierre, participe, à titre de fondateur, à la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario (CANO). CANO sonne l’éveil de l’affirmation des Franco-ontariens. Étudiants à l’université de Sudbury, les jeunes francophones désirent renverser le rapport de force dans une Ontario qui est peu encline à offrir des services en français. Parcourant d’abord le territoire avec un spectacle hybride de théâtre et de musique, CANO s’installe à Earlton sur une terre de 200 acres. Ce mouvement donnera naissance à CANO musique et inspirera le Théâtre du Nouvel-Ontario, ainsi que la Galerie du Nouvel-Ontario.

C’est dans cette effervescence culturelle que Rose-Aimée Bélanger, alors dans la cinquantaine, suit ses premiers cours de sculpture d’argile. C’est un coup de foudre immédiat. Rapidement, le marché de Toronto s’ouvre à sa production. S’inspirant d’abord des personnages de ses souvenirs ou de son environnement proche, Rose-Aimée Bélanger, installée dans son atelier à Earlton, développe une œuvre figurative.

Son puissant sens de l’observation, sans aucun doute aiguisé par la maternité et l’âge, impose déjà les grandes lignes d’une œuvre qui s’étalera sur plus de quarante ans. En posant un regard rétrospectif sur sa production, on pourrait cerner trois grandes périodes dans l’œuvre de Rose-Aimée Bélanger : celle où elle observe les gens qui l’entourent; celle où elle crée la série documentaire des mineurs; et enfin, la période de ses « Rondes », qui témoigne d’une pleine maturité.

Le rapport à la réalité y est alors complètement façonné par l’acte créatif. La matière détermine les formes que prendront ces personnages féminins, si représentatifs de son œuvre. Des femmes dont la rondeur est sculpturale, au sens littéral. Dans cette masse sculptée, où jambes, bras et fesses sont obsessivement arrondis, surgit le raffinement, la délicatesse, un irrépressible sentiment de liberté et de bien-être.

Rose-Aimée Bélanger passe alors des fours d’argile de son atelier d’Earlton aux coulées de bronze que prend en charge l’équipe de l’Atelier du bronze d’Inverness, qui restera au fil des années un complice fidèle de la diffusion de l’œuvre de Rose-Aimée. Aujourd’hui, alors que Rose-Aimée soufflera bientôt ses cent bougies, son fils Jean assume la pérennité de l’œuvre. Il aura été le pilier de la réalisation de l’exposition Rose-Aimée Bélanger – Du grès au bronze.

Cette exposition tente, à travers des carnets de dessins, des esquisses d’argile, des photos d’œuvres aujourd’hui dispersées aux quatre vents, et, bien sûr, une cinquantaine de grès et de bronzes, de faire affleurer les réalités des deux Témiscamingues, que Rose-Aimée Bélanger a encapsulé dans une œuvre prolifique, qui compterait près d’un millier de pièces.

Jean-Jacques Lachapelle

Rose-Aimée Bélanger, Grande dame aux bleuets,
2007, bronze

Balade un dimanche après-midi

Par Jean-Jacques Lachapelle

Je souhaite ici prendre le visiteur par la main et lui faire faire un tour guidé de l’exposition Rose-Aimée Bélanger | Du grès au bronze : 40 ans de sculpture. C’est à rebours de sa production que nous avons choisi de présenter l’œuvre de Rose-Aimée Bélanger. Le visiteur fait son entrée dans le riche univers de l’artiste à travers les œuvres de maturité, des œuvres de bronze dont le personnage principal est une sorte de madone, incarnée et joyeuse, qui choisit de mordre à pleines dents dans les plaisirs qu’offre la vie, au détour d’une journée chargée. Ici une cigarette, là une frite, ou encore une sieste impromptue au milieu de la lecture d’un livre qui repose maintenant sur les cuisses.

Ce choix muséologique, à rebours d’une historiographie, se fonde d’abord sur le matériel qui nous était offert. En effet, si un grand nombre de sculptures de bronze est disponible, les œuvres de grès des premières périodes ont été vendues sur un vaste territoire, de sorte que ce sont les témoignages photographiques qui nous sont parvenus.

Ainsi, par la force des choses, nous plongeons le visiteur dans l’œuvre de maturité de Rose-Aimée Bélanger et nous remontons tranquillement le temps. De la même manière que la sculpteure a modulé sa production selon les possibilités offertes par les matières, le concepteur d’exposition découvre, à partir du matériel d’exposition disponible, une nouvelle façon de créer le récit de visite…

 

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1 Commentaire

  1. Charlotte Bélanger-Lavictoire

    Merci de m’avoir invité! Je suis honorée et accepte d’y être le 28 octobre. Je suis l’aînée des 9 enfants de Rose-Aimée et sa seule fille à l’avoir côtoyé chaque jour de sa vie puisque je suis la seule de ses 5 filles à demeurer dans le nord, soit à New Liskeard. Voir l’effet de son trajet artistique à travers les yeux des autres me fascine. Maman est une femme avant-gardiste qui ne s’est jamais limité ou mise de balises. Observatrice hors-pair, aventurière de nature, super belle femme sans jamais l’avoir réalisé, Rosette (comme mon père l’appelait) est une toute petite dame, au sourire énigmatique, aux yeux encore pétillants à 99 ans, de bienséance impeccable mais aussi d’une loyauté à toute épreuve. Elle est unique en son genre tout en passant inaperçue autant que possible. Ma mère n’aurait pas été à l’aise dans une soirée comme celle que vous avez organisé pour célébrer ses oeuvres, elle qui ne comprend toujours pas toute l’attention et l’intérêt qui entourent un corps d’oeuvre aussi important de par ses formes et sa beauté. Elle y a mis son âme et sa tendresse sans que le visiteur ne le sache ou le découvre…du moins c’est ce qu’elle s’imagine!