Dialogue quatre – Diálogo Cuatro – Mexique/Québec | Virginia Pesemapeo Bordeleau et Guillermina Ortega
Date
INAUGURATION OFFICIELLE AU MA : VENDREDI 18 SEPTEMBRE 14H – 19H
Précédentes éditions
Le cycle d’expositions Dialogue développé par le MA, promulgue le développement artistique d’autochtones de l’Abitibi-Témiscamingue en suscitant des projets de jumelage.
Dialogue Quatre – Diálogo Cuatro réunit deux artistes métisses. Guillermina Ortega est d’ascendance nahua et vit à Coatepec dans l’État de Veracruz au Mexique. Virginia Pesemapeo Bordeleau est d’ascendance eeyou et vit à Rouyn-Noranda. Toutes deux ont proposé, sans se consulter, un projet qui aborde le thème sensible des femmes autochtones assassinées et disparues. Ce dialogue met en relief combien le colonialisme a généré des effets semblables au Canada et au Mexique, laissant entrevoir une histoire partagée dans toute l’Amérique. Le projet met aussi en dialogue le Musée d’art de Rouyn-Noranda (MA) et le Museo de antropologíaa de Xalapa (MAX) qui présenteront tour à tour Êtres de lumière et Les Brodeuses.
ÊTRES DE LUMIÈRE / SERES DE LUZ – GUILLERMINA ORTEGA
« Seres de luz (Êtres de lumière) est le titre de la vidéoinstallation qui donne voix aux absences et présences en un monde où la résistance est une stratégie pour aller de l’avant. J’ai réalisé un ensemble de 33 silhouettes de femmes peintes à l’acrylique aux couleurs de peaux brunes sur des toiles d’organza, aussi couvertes de peinture blanche qui tente d’occulter le sang indigène, avec le projet de représenter le corps féminin comme territoire et rendre visible les femmes disparues du Mexique et de l’Amérique du Nord.Ce problème des disparitions est lié à la couleur de la peau et à la situation socio-économique.
Au Mexique, il a commencé dans les années 1990 spécifiquement avec les femmes pauvres métisses de Ciudad Juárez. En Amérique du Nord, les femmes autochtones et métisses disparaissent plus souvent que les femmes blanches. Jusqu’à tout récemment, cette situation n’a pas été rendue visible dans les médias et dans l’art. Dans l’État de Veracruz, au Mexique, le nombre de personnes disparues est en croissance. Ce sont des femmes autochtones, et aussi non autochtones, issues de groupes vulnérables dans les villes et dans les campagnes.
Des vidéos sont projetées sur les silhouettes. Elles font entendre des voix de femmes autochtones et non autochtones qui sont aussi mères de jeunes femmes. Elles récitent la poésie d’Eneida Hernández, écrite en nahuatl et traduite en totonaque, en espagnol, en français et en anglais. Il s’agit d’un message de sororité et d’espoir envers les mères qui cherchent leurs filles, leurs sœurs, leurs amies. Cette parole forte projetée en rouge sur les silhouettes, est accompagnée d’images de caractéristiques des paysages caractéristiques de Veracruz (eau, brouillard, bitume) et qui sont les lieux où s’effectuent les recherches.
La robe rouge s’est convertie en une référence des femmes autochtones disparues dans toute l’Amérique du Nord (Missing sisters). Je la reprends pour en faire le fil conducteur. À la fin des vidéos, nous entendons la voix d’une mère d’un des collectifs de Veracruz : “De la terre jusqu’au ciel, je te cherche”. Suivie des voix des jeunes femmes criant “Justice” et “Vivantes nous nous voulons”. Les faire entendre dans toute l’Amérique du Nord est l’espoir de cette proposition artistique. Somme toute, la spiritualité féminine forme le guide qui soutient l’existence d’une seule conscience féminine dans ce monde global, qui lamentablement attente à la vie. »
Guillermina Ortega
Coatepec, Veracruz, Mars 2020
«Realizo un conjunto de 33 siluetas de mujeres … pintadas con acrílico color piel morena sobre telas de organza, a la vez cubiertas con pintura blanca que intentan ocultar la sangre indígena, con el propósito de representar el cuerpo femenino como territorio y hacer visible a las mujeres desaparecidas en México y en Norteamerica. Este problema de las desapariciones tiene que ver con el color de la piel y la situación económica-social. En México empezó en la década de los 90 especificamente con mujeres mestizas pobres de Ciudad Juárez. En Norteamérica la mujeres indígenas y mestizas desaparecen con mayor frecuencia que las blancas. Hasta hace muy poco tiempo esta situación se está visibilizando en los medios y en el arte. En el estado de Veracruz, México, crecen las cifras de personas desaparecidas, quienes también son mujeres indígenas y no indígenas, provenientes de grupos vulnerables en las ciudades y en el campo.
Proyecto los videos sobre las 33 siluetas que contienen voces de mujeres indígenas y no indígenas quienes tambien son madres de otras mujeres jóvenes, a partir de la poesía de Eneida Hernández, escrita en Nahuatl, y traducida al totonaco, español, francés e inglés. Es un mensaje de sororidad y esperanza hacia aquellas madres que este día buscan a sus hijas, hermanas, amigas. Este lenguaje fuerte que deja la palabra sobre las siluetas, va acompañado del paísaje veracruzano en sus diferentes variantes (agua, niebla, betún), que es el sitio en donde ocurre la búsqueda.
El vestido rojo se ha convertido en una referencia de esta situación, principalmente en Norteamérica (Missing sisters), lo retomo como una manera de hacer un hilo conductor a través de un solo territorio. Al final de los videos se escucha la voz de una madre de uno de los colectivos veracruzanos: del suelo al cielo buscándote, y las voces de las mujeres jóvenes veracruzanas gritando justicia y vivas nos queremos; ser escuchadas en todo Norteamérica es la esperanza de esta propuesta artística desde mi territorio. Finalmente, la espiritualidad femenina funciona como una guía para sostener una sola conciencia femenina en este mundo global, que lamentablemente atenta contra la vida.»
Guillermina Ortega
Coatepec, Veracruz, Marzo de 2020
Les Brodeuses – Virginia Pesemapeo Bordeleau
Les Brodeuses : Pascale-Josée Binette, Charlotte Brazeau, Caroline Chachai, Sharon Chachai, Pauline Cheezo, Marian Cooper, Margaret Diamond, Deborah Jérôme, Mona Kistabish, Zoé Jérôme- Papatie, Brenda Nottaway, Bernadette Ogushing, Yvette Poucachiche, Mary Polson, Tawana W. Trapper, Yvette Wabamoose, Jane Wabi.
« Le projet des Brodeuses fait suite à celui qui a eu lieu à l’été 2018, sur le thème d’Aki Odéhi, Cicatrices de la Terre-Mère, parrainé par le Centre d’amitié autochtone et le Centre d’exposition de Val d’Or et mené par Sonia Robertson, commissaire. Mon intervention urbaine intitulée Poésie en marche pour Sindy consistait à la création de quatre jardins au nom de Sindy Ruperthouse, une Algonquine de Pikogan, disparue depuis trois ans. En collaboration avec la famille, nous avons fait une marche en deux étapes dans la ville de Val-d’Or, d’abord en semant des graines de fleurs sur les lieux choisis tout en récitant un poème dédié à la mémoire de la disparue. À la seconde marche, les étapes étaient reprises pour voir la pousse des fleurs, soit devant le poste de police mixte, le parc Bérard où se tiennent les itinérants, le Centre d’amitié autochtone et le Centre d’exposition. La surprise fut de constater que les œuvres n’avaient pas été vandalisées. La participation, autant des Allochtones dont des policiers et des notables que des Autochtones, venait ajouter une preuve du besoin de ces actes propices à la réconciliation dont le projet Aki Odéhi était porteur. De plus, les blessures suivant les dénonciations des Amérindiennes contre les abus des forces de l’ordre appelaient cette occasion de rencontre autour d’un événement tragique mais rassembleur.
Avec Les Brodeuses, je veux créer quarante-huit banderoles aux couleurs des quatre directions, qui seront ensuite montées en groupe de douze pièces de même teinte. Chaque banderole portera une broderie qui rappellera des motifs spécifiques à différentes nations comme la double courbe chez les Cris. Cela fait référence au fait que des femmes de toutes origines endurent des sévices liés à leur condition précaire. Donc, le projet Les Brodeuses implique la participation des artisanes qui fréquentent le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or et qui sont des survivantes de violences domestiques ou autres. Elles se réunissent pour travailler ensemble au Centre culturel Kinawit situé à douze kilomètres de la ville. Je vais participer au travail en tant que brodeuse, mais je vais d’abord faire la recherche des motifs, la création des gabarits, la découpe des tissus. Je finaliserai les pièces pour le montage final.
Les Brodeuses rappellent une installation intitulée L’élan de la lance présentée lors de l’événement Fabuleux dédoublements à la Maison de la culture Frontenac à Montréal en 2013. Cette œuvre fait partie de la collection du Musée d’art de Rouyn-Noranda. Elle fait référence aux esprits des femmes recherchées afin qu’elles retrouvent le chemin vers leur tipi, représenté par les triangles cousus sur les bandes de coton. Ce projet évoque également le collectif Fibres du monde et son projet Invitation auquel j’ai participé en tant que Crie pour la fabrication d’une grande courtepointe de 3,5 mètres de hauteur par 36 mètres de longueur. Le collectif comprenait des artistes originaires de toutes les parties du Canada, dont les Autochtones. La pièce a été présentée au Musée canadien des civilisations en 2007.
L’œuvre Les Brodeuses fera partie d’une exposition qui est en préparation avec le MA. Ce sera un duo, dont l’invitée est une artiste mexicaine d’origine nahua, Guillermina Ortega. Ses thèmes rejoignent les miens, car elle s’inspire du sort des femmes de son pays par des dessins sur papier fait main représentant des parties de corps de femmes, recousues. De plus, cette présentation fera suite aux expositions Dialogue et Dialogue II, dont j’ai assumé le co-commissariat avec Jean-Jacques Lachapelle, actuel directeur du Musée d’art de Rouyn-Noranda, mixant les artistes autochtones aux artistes allochtones.
Comme l’écrit si clairement Édith Cloutier, directrice du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, dans sa lettre de soutien au projet, les artisanes auront une opportunité de poursuivre le travail de guérison en faisant le geste de recoudre leurs blessures. Pour l’avoir expérimenté après un deuil, je sais que la broderie apporte une certaine paix par la répétition des points et le silence intérieur qu’elle engendre. Je mettrai l’emphase sur l’importance de partager leur travail au plan local, mais aussi à l’étranger. »
Virgina Pesemapeo Bordeleau
Rouyn-Noranda, Québec, juin 2018